BlogCe qu’on dit du périnée des femmes et pourquoi elles le croient

15 octobre 20170
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Illustration de Aline Jayr – extraite de mon livre «un périnée hreureux, c’est possible !» paru en janvier 2018
J’ai regardé hier soir un film qui s’appelle « Hysteria » qui m’a fait rire tout en me laissant un goût amer, un nœud dans le ventre et le plexus. Il s’agit de l’histoire d’un jeune médecin qui se retrouve à exercer dans un cabinet médical qui traite l’hystérie féminine. Le vieux docteur qui tient ce cabinet très chic explique que l’on y prend soin des femmes, qu’on les accompagne dans leurs symptômes en les amenant au paroxysme de cette « maladie », comprenez à l’orgasme. Devant le talent du jeune docteur, l’agenda est complet et la salle d’attente ne désemplie pas. La présentation de l’histoire est drôle et pourtant tellement pathétique, car cela a été notre réalité aussi en France (ce film se déroule en Grande Bretagne). Une femme libre dans sa parole et dans son corps y dit et crie aussi de quoi il s’agit. On la prend justement pour une hystérique. Elle dit que les femmes devraient pouvoir jouir, voter, travailler et aussi décider pour leur corps. Une avant-gardiste ! Elle est jugée pour une situation qui nous semble, bien sûr, absurde avec notre recul et échappe de justesse à une ablation de l’utérus jugé par un tribunal responsable des symptômes (ouf !) mais elle ira en prison. Amoureux d’elle le jeune docteur la demande finalement en mariage. Sourire du cœur, c’est beau, bien emballé et… amer aussi, bien que au 19ème siècle. Oups, en passant, ce jeune homme a inventé les premier vibromasseurs électriques car il souffrait terriblement de sa main (forcément, à caresser des vulves toute la journée, agenda plein !). Trois « paroxysmes de la maladie » en 5 minutes, imaginez ! Est ce à dire que les vibromasseurs auraient été inventés pour soulager les hommes et pas pour les femmes ?! Je blaaaaague, oh !

21ème siècle, en France. Si je regarde de façon un peu crue ce que nous faisons avec les femmes, leurs vagins et leurs périnées… certes, on ne les masturbe pas, mais on leur introduit des sondes en métal ou au mieux les doigts pour leur faire ressentir l’intérieur de leur vagin et leur apprendre à le muscler. On les rééduque. Après avoir été éduquée à la propreté dans la petite enfance, tout comme les petits garçons au demeurant, on les rééduque sous entendu, à la propreté ! (Euh… vous me suivez, là ?!) La pensée la plus répandue est que c’est ainsi qu’il faut faire, que c’est pour leur bien, parce que le périnée doit être tonique. Du coup, tout le monde y crois, ou presque !

(Ouh la la… je me sens tout à coup à la place de la femme qui dit et crie… ! Mais je poursuis.)

Il y a quelques jours une amie me disait qu’elle a pris rendez-vous chez le kiné près de son boulot car son périnée est diagnostiqué « mou » et d’ailleurs, elle le sent qu’il est mou ce périnée, qui la lâche à la ménopause (l’ingrat !). « Pas d’autre choix, me dit-elle, que pourrais-je faire d’autre ? »

Maintenant que le « soit belle et tais toi » et le « il faut souffrir pour être belle » ont un peu lâcher de leur emprise en France, nous voilà avec « il te faut un périnée dur comme du béton » (je ne blague pas, je l’ai si souvent entendu). Avez vous vu des dalles de bétons frémir, jaillir, bondir de joie et de plaisir ? Perso, je préfère une terre riche, irriguée, fleurie, tantôt sauvage et tantôt sacrée et aussi sacrément sauvage ou sauvagement sacrée, en tout cas, pas domestiquée ! Arrêtons de domestiquer la nature profonde des femmes, de la maîtriser, la cataloguer, l’emprisonner dans un sourire figé ! Pendant ce temps, la chirurgie esthétique intime connaît des taux records de fréquentation, de même que les bijoux, le maquillage et même les paillettes (ovules de paillettes) pour la vulve. Mon amie Fanja Randriamanjato, sage femme à l’Estaque dit que le périnée est le visage secret de la femme, tandis que moi-même, je dis depuis des années que notre périnée regarde la terre et que la terre le regarde. Nous ne nous sommes pas trompées, mais…

Dites, c’est quoi cette histoire de périnée tonique tous les jours de toute la vie de femme ? Un périnée qui doit être comme-ci et pas comme ça ? C’est quoi cette réponse de musculation du périnée, réponse unique et systématique pour toutes les femmes sans que la ou les causes ne soient identifiées (car elles sont souvent multiples et se sont étalées dans le temps) ? C’est quoi cette ignorance de la puissance des muscles du périnée et de la délicatesse de la physiologie féminine, des muqueuses du vagin, des liens étroits entre plancher pelvien, émotions et psychisme ? C’est quoi cette négation de l’intelligence corporelle intrinsèque ? Car c’est violent, oui, c’est violent de se faire introduire une sonde en métal reliée à une machine et même de recevoir des ondes électriques qui vont stimuler les muscles ! Vous ne trouvez pas ça violent ?! Vous trouvez ça normal ?! Est ce que un homme accepterait cela ? Est ce qu’il y croirait ? Alors, que se passe-t-il pour nous les femmes ? Pourquoi y croyons nous ? Et… C’est quoi ces modes de beauté intimes au marketing savamment pensé ? Qui vérifie la non toxicité de ces produits ?

Nous croyons à tout cela par ignorance. Car, si nous sommes plus avancées qu’au 19ème siècle, nous ne sommes pas très avancées sur la connaissance de l’anatomie et de la physiologie féminine pour laquelle la médecine allopathique n’a que peu de réponse. Elle a des réponses en cas de pathologie, mais pas en cas de physiologie qui est le corps en santé. Car, avant qu’un périnée devienne un « problème à régler », qu’il ai un symptôme qui relève de la pathologie, il y a une multitude de signes qui ne sont généralement pas repérés par les femmes elles-mêmes. Car bien qu’elles voient ces signes, elles ne savent pas les interpréter, ni même à qui en parler. Il y a aussi les erreurs que nous faisons sans le savoir, au quotidien et dans nos grands passages de nos vies. Pour éviter cela, il nous faut de la connaissance et aussi, il nous faut lâcher nos croyances, nous observer, observer nos cycles et nos changements hormonaux, observer notre sang menstruel, nos sécrétions et nos fluides, nos émotions et ce qui se passe dans nos vies. Car les corrélations sont souvent évidentes. Il nous faut aussi nous ajuster et nous aider, croire en nous-mêmes, nous connaître, nous accompagner nous mêmes dans le physiologiquement normal, nous aimer aussi.

Et, je crois que lorsqu’un périnée est ressenti comme mou, il y a tout un accompagnement personnel de soi à soi qui est possible avec des médecines de femmes, ces « médecines » de bon sens qui passent par l’écoute fine et le savoir être. Je parle bien d’accompagnement et pas de rééducation. Nous sommes nombreuses à dispenser des connaissances sur l’anatomie et la physiologie féminine, sur la gynéco naturelle, de plus en plus nombreuses. Le ressenti et la connaissance sont deux clés importantes de l’autonomie et de la liberté. Nous invitons les femmes à ne pas croire ce qui leur est dit, mais à écouter en dedans d’elle ce qui se dit et à se faire confiance, à reconnecter avec leur bon sens, avec leur boussole intérieure, avec leur guérisseuse intérieure (Hou laaaa… ça peut être accueilli ça ?!), ce qui n’exclut pas de demander conseil, de consulter tout en vérifiant si « ça » dit oui ou non en nous. Les femmes que je vois pour la plupart ne veulent pas faire de rééducation. Leur corps se braque, leur cœur aussi. L’une d’entre elles me disait récemment « comment puis-je accueillir le froid de cette sonde et les gants du praticien, puis le soir aimer mon compagnon. Deux mondes tellement opposés. Commet suis-je sensée m’adapter ? Comment veiller sur mon intimité propre, sur ma sexualité ? Je suis perdue.»

Je ne nie aucunement que beaucoup de femmes sont en difficulté avec des symptômes périnéaux très gênants, et je suis bien désolée que nous en soyons arrivées là. A celles et ceux qui me répondent « c’est comme cela depuis longtemps mais avant, on n’en parlait pas ou les femmes mourraient beaucoup plus tôt. Maintenant les femmes osent dire, c’est le seul changement », je réponds que je travaille depuis des années avec des femmes et que j’ai rassemblé de multiples témoignages de femmes de tout âges, y compris des femmes âgées qui n’ont jamais eu aucun symptômes. Cela ne concerne pas 1 ou 10 femmes, mais beaucoup d’entre elles. Quels espaces ont-elles pour s’exprimer ? Je peux dire aussi que je suis parfois (souvent) témoins de la disparition totale de désagréments importants par des moyens très différents d’une musculation de ce qui est trop souvent considéré comme « mécanique musculaire locale » que je ne peux , pour ma part, dissocier de la globalité du corps et de l’être. Pas de secret sur ces moyens : une reconnexion intérieure à son corps, à son ventre, à son sexe, à son intime ou un travail sur la posture ou une pratique sur des mémoires ou sur l’alimentation et la détoxination, par exemple.

Si je n’apporte pas de réponse et de solution dans cet article, c’est que cela m’a pris presque un an d’écriture après des années de maturation et plus de 200 pages pour écrire tout ce qui influence le périnée des femmes, pour amener un peu de clarté et de connaissance dans cet espace qui reste si mystérieux pour beaucoup. Pas de procès dans ce livre, mais des réponses, des questions, des propositions pour ressentir par soi-même, des témoignages.

Je me questionne… dans un siècle, y aura-t-il un film qui fera rire nos petits enfants de ce que nous vivons aujourd’hui, des femmes qui vont consulter à la chaîne pour se faire introduire une sonde dans le vagin dans des cabinets paramédicaux ? Possible… Car cela peut paraître loquace avec un peu de recul. Qui disait que « une idée, avant de paraître évidente à tous, est considérée comme ridicule puis dangereuse » ?

Efféa Aguiléra

15 octobre 2017

auteure de « Rituels de femmes pour découvrir le potentiel du périnée » (Le Courrier du Livre, octobre 2015) et « Un périnée heureux, c’est possible ! » (Le Courrier du Livre, janvier 2018)

 

 

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